mardi 9 décembre 2008

Kurban Bayramı & mybrandnewflat

Hier journée mémorable il me semble. Cette fois-ci il n'y aura pas de photos, en tout cas je pense que c'est mieux pour tout le monde.
Levé tôt, très tôt, à des heures que certains ne se leveront jamais dans leur vie, ou bien seulement parce qu'ils auront eu la flème de réserver leur billet de train plus tôt, ce qui leur aurait permis de toujours voyager au même prix mais à des heures plus raisonnables... Bref levé à 7h du mat donc, pour se faire un p'tit dèj en deux-deux (j'ai passé 20mn à faire la plonge alors que maintenant j'ai un lave-vaisselle, c'est la blaze mais en même temps tu ricanes bien) et partir en tacot chez un pote qui habite dans le quartier Macédonien d'Istanbul : c'est là que les sacrifices commencent dès 8h du matin, et non pas à Taksim où un décret municipal interdit les habitants de l'hypercentre de pratiquer ce rituel.

Petit historical background pour ne pas prendre non plus cette tradition ancestrale comme un massacre institutionnalisé (même si personnellement j'ai du mal à ne pas céder à ce raisonnement).
L'Aïd -el-Kebir, que l'on appelle ici Kurban Bayramı, est la plus grande fête de l'Islam. Cela commémore le sacrifice d'un mouton par Abraham : alors que celui-ci s'apprêtait à sacrifier son fils pour prouver sa soumission à Allah, l'archange Gabriel le stoppa et lui donna un mouton pour qu'il ne tue pas son fils.
De nos jours, la viande récoltée est ensuite partagée en famille et donnée aux familles pauvres. Un mouton coûte en Turquie 250€, une vache entre 1000€ et 2000€ (dans la moyenne bien sûr); en sachant que le salaire moyen (pour un instituteur par exemple) avoisine les 500€ par mois, cela représente un investissement considérable. Par conséquent, un immeuble peu se cotiser pour récolter assez d'argent et acheter un animal à sacrifier au nom de tous.

Gabriel stoppant Abraham à l'instant fatidique

A la descente du taxi, on se rend compte rapidement que les sacrifices prennent place un peu partout dans le quartier, et que nous n'auront pas de mal à assister à la scène. Généralement, lorsqu'il s'agit d'une vache, celle-ci est attachée à un arbre pendant que le matériel et le lieu, qui peut être un coin d'herbe, un garage, un abri, une cours d'immeuble (avec évacuation des eaux usées de préférence), sont préparés. Les enfants sont encouragés par les parents à assister à la cérémonie, mais celle-ci reste un moment relativement intime dans la mesure où seuls les membres de la famille sont invités à se joindre. Les enfants du quartiers, curieux, n'hésitent pas à monter sur les murs ou à regarder par le bas des portes afin d'observer la scène.


Bon, pour les âme européennes sensibles, la section suivante est à éviter.
L'animal est couché, les pates attachées et les yeux bandés, la tête tournée vers La Mecque (si possible, car le bougre ne se laisse pas faire). La prière de l'Aïd est récitée, puis l'animal décapité à moitié, de sorte que le sang puisse s'écouler par la gorge. Les ébats de l'animal sont brefs et violents, cinq hommes de forte corpulence devant le maintenir durant toute la durée du sacrifice.
Une fois l'animal décédé, il est découpé sur place puis la viande répartie immédiatement entre les familles.
Mon nouveau proprio, Eden, et son frère, furent plutôt traumatisés par ce rituel, l'animal restant une semaine en compagnie de la famille avant l'Aïd-El-Kebir. Il est sacrifié sous leurs yeux, et ce sont eux qui devaient porter la viande aux familles après l'abattage.

Mes potes, plus sanguinaires que moi, ont assisté à deux sacrifice lorsque pour ma part je me baladais dans le quartier. Autour du pâté de maison où j'étais, j'ai pu apercevoir de loin pas moins de 6 sacrifices, ce qui prouve bien que cette fête est très largement suivie dans le pays entier.
Dur de rester anonyme et sans jugement devant cette tradition. Plusieurs de mes amis turcs de Bilgi n'apprécient pas du tout cette fête qu'ils jugent cruelle et sans
but réel. D'un autre côté, d'autres considèrent que, au niveau de l'abattage, ce n'est guère plus cruel que ce qu'il se passe en général dans les usines, mais surtout, cela reste une tradition forte de plusieurs siècles et de dizaines de millions d'adeptes commémorant une valeur-clé de l'Islam (bien que cela ne soit pas un de ses piliers) : le partage et le don aux plus démunis que soi. C'est une société indéniablement plus solidaire, qui s'entraide régulièrement, et beaucoup moins emprise à l'individualisme de notre Occident. Sur la publicité de Coca-Cola, je dirais 2 cow-boys : entre le cow-boy solitaire américain et les trois cow-boys inséparables du Japon.

Si je suis très critique sur les conditions du sacrifice et les souffrances infligées à l'animal dont la mort ne survient qu'après 10mn, je reste respectueux de cette tradition qui, j'en suis sûr, en fait descendre plus d'un de sa BMW pour aller mettre de la viande dans l'assiette de son voisin LAmbDA.

Après un passage rapide par une salle de billard enfumée et par Ikéa (vite un repère), je retourne dans mon nouveau chez moi pour enfin suspendre mes fringues coincées dans ma valise faute de cintres. La vue dégagée et lumineuse sur les toîts de la ville, avec en background les mosquées de Sulthanamet, je dois dire que c'est plus motivant pour vous écrire que mon ancienne chambre donnant sur un beaaau mur en béton estampillé 1970-sheer-crude. Du coup je ne culpabilise plus du tout de ne pas mettre mon nez dehors, je paufine mon cocooning :)


Ah non, j'allez oublié avant de refermer. Hier, en "deuxième" partie de ma journée, entre 19h et minuit et demi, j'ai réparé mon ordinateur... Après avoir donné un coup de poing d'énervement sur ma table de travail, l'ordi plante sec. Après moultes tentatives et diverses manipulations pseudos-professionnelles (j'en suis venu à démarrer mon ordi en appuyant à 12,4cm du bord inférieur gauche, selon les recommandation d'un infortuné), je me décide à chercher sur les forums si je ne suis pas le seul dans le cas. Suite à la lecture progressive d'un thread qui m'a fait passé par toutes les couleurs, je suis tombé sur une vidéo d'un gars qui explique qu'il faut tout démonter et mettre un bout de papier sur la carte WiFi pour faire pression dessus. La vidéo dure 22 minutes et 24 secondes du démontage au démarrage. J'ai mis plus de 5h.

Je vois d'ici les remarques cinglantes de certains, du genre: "Alors ton beau Mac tout blanc, il marche plus comme on veut mon petit Pikool ? On s'en veut de ne pas avoir pris un PC moche mais facilement démontable ?" M'en fous, même si j'ai pété le connecteur de mes enceintes en démontant le topcase, je suis en ce moment même sur mon ordi préféré pour vous écrire. Et ce grâce à une communauté Mac qui s'entraide.
Finalement l'Occident n'a pas besoin de sacrifier ses animaux pour être solidaire, il lui suffit d'avoir Internet.


6 commentaires:

Marie a dit…

J'avoue que j'ai squeezé la scène bestiale, parfois il est difficile d'admettre ce qui nous est étranger sans émettre de jugement !
Bises+++
môm

Anonyme a dit…

Je kifferais cette fête je crois, surtout que la viande de mouton ça commence à faire un moment... par contre je vois pas pourquoi un grand garçon comme toi s'émeut de voir égorger la petite bête : c'est jamais que des animaux, comme qui dirait, c'est fait pour ça (c'est pas moi qui le dit c'est Darwin). Enfin bon, joyeux aïd, à bientôt !

Pierre a dit…

Même si le partage n'est pas un pilier de l'Islam, c'est une institution, au sens physique du terme.
Après c'est sûr que ça doit pas être super excitant à regarder, mais ça fait partie des pratiques religieuses. Alors, compréhension ou jugement, chacun son truc au final.
Chouette photos !

Anonyme a dit…

Brigitte, sort de ce corps!

Rata'Pou a dit…

Ben mon cochon (si je peux dire !...) quel post !
Merci pour cette littérature instructive !
Biz

polo a dit…

Un peu hardcouère effectivement...

Ca me rappelle le Sénégal: J'ai logé pas mal de temps dans une famille qui avait acheté un mouton tout jeune il y a plusieurs années, et qui l'engraissait pour cette fête. Ils lui avaient même donné un nom, Oscar. Il gambade allègrement dans le bide d'une famille Sénégalaise maintenant.
Mais bon, perso, même si ils zy vont un peu hard sur le sacrifice, je pense que cette fête est une bonne chose, du moment que ça permet de nourrir les plus pauvres...
Par contre inciter les gamins à voir ça c'est limite... Ça les vaccine d'une certaine manière contre la violence quoi.

zboub