mercredi 29 avril 2009

The Epicurians - Part 1


Pedrito partit le mardi au matin, et, la mort dans l'âme, je m'en retournais à mon appart trop grand. Trop grand, il était occupé par deux jeunes hommes qui le remplissaient de leur conversations tardives, de leurs rires, et de l'envie d'en découdre avec une séparation bien longue. Et lorsque le laron norvégien s'en retourne au pays, l'air se repose de nouveau et la poussière n'est plus remuée, statique. La routine revient à grand pas.

Heureusement que pour se sortir de cette torpeur et d'une cascade de déboires sanitaires, du renfort avisé arriverait d'ici une semaine, 9 jours plus précisément. Trois semaines plus tard j'étais de nouveau dans le bus menant à l'aéroport pour aller sauter dans les bras de Matthieu, alias Matt Lelong. Compagnion d'infortune si je puis dire, il m'a accompagné durant la Première (début du semestre avant que je parte pour New York) et la Terminale à Saint-Brieuc et a largement contribué à ma bonne santé mentale et physique durant ces deux années.


Bon, il faut dire que Matt a une bonne descente, d'abord parce que c'est un vrai breton qui va choper les palette de bières là où elles se trouvent, et parce qu'en ce moment il fait une année (de médecine) entre parenthèses à Cordoba en Espagne. Les chupitos, ça le connaît.
Et comme je le faisais remarquer à Pierre, lui m'a ramené le soleil d'Espagne, pas la neige de Norvège !

Première jour pépère, petite balade tranquille dans les recoins de mon quartier, et le deuxième jour on file prendre un verre dans un bar live, où l'on a pu déguster les premiers verres de raki tout en écoutant un groupe du type Ottoman revenant des Balkans, au clarinettiste hallucinant. Flo m'apprendra le jour suivant que c'est l'un des meilleurs de son métier en Turquie. On décolle vers 2h30 du matin pour se diriger vers Taksim où le deuxième larron doit arriver sous peu.


Les retrouvailles sont joyeuses, on découvre les trésors ramenés de l'île duty free, et je devrai m'éclipser à 6h du matin lorsqu'ils décidèrent d'aller faire un tour sur le Bosphore, cours du vendredi matin oblige. D'ailleurs j'ai bien regretté de m'être débiné, vu que le cours fut inutile quoique nécessaire pour signer la feuille de présence que j'ai souvent laissé de côté. Et en revenant de cours, je passe par un quartier peu fameux, Talabaşı, et avec mon allant éthique à deux balles consistant à favorisé le développement local des commerçants plutôt que celui des grandes surfaces, je m'arrête dans un boui-boui traditionnel vendeur de kebab. L'intention était bonne, la digestion mauvaise. Vraisemblablement à cause d'une tomate pourrie, je me suis retrouvé, le samedi soir où mes potes venaient de l'autre bout du monde pour faire la teuf avec moi, dans mon lit, scotché avec de bonne sueurs froides et quelques relents dévastateurs.

Bref, je me suis rattrapé le lendemain sans trop de problèmes, à commencer par un bon petit dèj' sur la terrasse ensoleillée et un debriefing de la veille. Le restant de la semaine, nous avons alterné entre visites relaxes et concerts sympathiques. Nous avons notamment pas mal déambulé avec un groupe de Belges, amis d'un ami, qui étaient là dans le même but que François et Matthieu : se faire plaisir, profiter de la ville et de la vie nocturne.



Nous avons fait notamment un passage remarqué au hamam. C'est lors d'une soirée à Araf, repère incontesté des Erasmus en manque de bière pas cher et de musique balkanique à sauter sur place (à noter que nous avons fait la fermeture avec les gars sur une chanson mémorable : 'Dans la vallée' de Manau...) qu'une demoiselle nous propose naturellement d'aller se faire masser, brosser, récurer par d'authentiques Turcs en serviette courte. François est tout de suite très branché par la proposition (et la demoiselle), et nous nous retrouvons le lendemain à Beşiktaş, quartier populaire et vivant, devant le hamam local. Après avoir aisément convaincu les propriétaires de nous ouvrir les portes, 30TL par personne ça ne se refuse pas, on se met à poil dans des cabines collectives, sous l'oeil amusé des papis en serviette.


Les ninjas du hamam !

Après s'être réchauffé à l'intérieur du hamam, un groupe de quatre moustachus robustes et bedonnant s'avancent vers nous. Le premier à passer à la casserole est Pascal, qui ne moufte pas mais qui semble bien sentir passer le massage sur ses muscles reposés, puis vient mon tour. Et là je comprends ma douleur. Le massage est bien approximatif et me laissera bien des douleurs durant une semaine (je me méfierai la prochaine fois), mais le lavage fut bien concluant. Moi qui étais tout fier d'avoir légèrement bruni ma peau sous le soleil encore hivernal de la terrasse ce matin, je vois celle-ci s'en aller comme de la tapisserie sèche sous les mouvements assurés de mon patron corporel. Suit un lavage au savon de la tête au pied (le tout dans la chaleur du hamam), une bonne douche froide balancée à la tronche, et deux bonnes baffes pour finir !! "Allez, lève-toi, c'est fini". Je me lève difficilement et m'en vais m'écraser avec les potos, eux aussi meurtris et allongés de tout leur long sur la table centrale. On s'en souviendra.

C'est sans doutes l'impression d'avoir vécu un moment hors du commun tous ensemble qui nous entraîne naturellement passer la soirée tranquillement, posés chez moi. Jusqu'à ce que le rhum Clément, le d'Jack Da', et la voisine du dessous faisant des siennes aidant, nous nous dirigeâmes vers le Jazzstop proche d'Istiklal. A peine entrés, nous investissons le premier plan, faisant volte-face au groupe de jazz-soul de la soirée et à sa chanteuse au look fortement influencée par Amy Winehouse. Et deux minutes plus tard, we're all jammin' togeza ! François, décidément aux anges, fait chauffer la carte et paie ses vodka-bull jusqu'à 2h30, tandis que Mehdi, pote Belge de Pascal, s'empare du micro et tente l'impro jazz sur la rythmique d'un guitariste ma foi bien inspiré.
A la sortie du bar, pit stop obligé par le kébab du coin avec une bonne soupe chaude aux lentilles, un concours de dégustation de piments (vous savez les petits verts, bien traitres là...) où Matthieu s'est illustré par un très honorable score de 6 piments en moins de 30mn, et un remu-ménage franco-belge performant. Puis c'est le temps des adieu avec la clique transfrontalière, promis on se retrouvera autour d'un demi à Bruxelles une fois, et on vogue vers Cihangir. Nous qui croyons que la soirée était finie... que neni !




Le petit bar à thé du coin de ma rue est déjà ouvert, alors on squatte une table et on sirotte jusqu'à ce que le jour se lève, en parlant bien sûr de politique avec François : se prendre la tête alors qu'on est plus ou moins d'accord est un sport que nous affectionnons particulièrement. C'est dans ces conditions que je me rends aussi compte qu'être Ecofi à l'IEP est une chance, j'aurais pu être Ecofi dans une école de commerce... Mais le François est ouvert. Je suis sûr qu'il aimerait les cours de géographie de la Bretagne de l'année prochaine par exemple. Et puis il y a des gens bien qui travaillent pour LVMH, après tout.




Le lendemain c'est glande totale. On se bouge quand même pour voir la Mosquée bleue et Hagia Sofia à Sultanahmet en fin d'aprèm, juste après avoir pris note que Galatasaray jouerait contre Fenerbahçe le soir même, dans un derby qui s'annonce mouvementé. A la sortie de la première visite, pression de fond de cours de la part de François qui veut bien voir le match qui porte ses fruits : une demi-heure plus tard on est dans un bar, pinte à la main, au milieu d'Erasmus et de Türcs tapant du pied au rythme des fautes scandaleuses. Il faut dire que les deux équipes se sont illustrées par un jeu rivalisant de stupidité, personnel et déconstruit, encadré par une équipe d'arbitre bien laxistes ne pénalisant par un carton jaune timide que les tacles meurtriers à deux pied par derrière. Les équipes se chauffent, la tension monte, les pieds en l'air sont courant, jusqu'à ce qu'un joueur de Galatasaray s'écroule, personne ne comprenant pourquoi. En deux minutes c'est la baston générale, les arbitres ne s'interposent pas et se contentent d'admirer les uppercuts avec le meilleur angle possible, puis finissent par clore le match par un cinglant quadruplé de cartons rouge. Yeaaaaah, vive le foot à la turque.


Ici à l'écran un joueur tape du pied sur les cages adverses

La fin de semaine se passe sans encombres, on profite bien, on rigole, on se détend en famille. Jeudi dernier tour ensemble sur les îles où l'on a fait une bonne balade, hors des routes conventionnelles, sur un sentier qui nous rappelait bien celui des Douaniers à St Brieuc. Petit moment nostalgie donc, et découverte de la faune et de la flore turque.


Faune mécanique reléguée au musée

On aura quand même vu, entre chevaux, goélands, moucherons et autres parasites habituels, quelques hérons, piverts, et même une bande de dauphin au large de la navette sautant hors de l'eau à l'entrée du Bosphore. Roooh, c'était booo. Ah et puis aussi de bons gros turbots, mais dans nos assiettes pour le repas du midi, négociés au tarif étudiant, et vraiment délicieux. Quand ils ont été jeté dans la poêle ils respiraient encore. Plus frais tu meures.

Les gars repartent bien trop vite. On est tellement bouleversé François et moi quand Matthieu monte dans sa navette de 6h du mat' qu'on montre nos fesses à son départ... pour qu'une demoiselle fort sympathique nous en reparle deux jours plus tard, alors que nous écoutons du rap français accoudés au Secret Garden : "C'est vous qui avez montré vos fesses jeudi dernier, non ?". Du tacotac, "Ah oui, c'est bien probable, mais on est vraiment désolé, on a pas eu le temps de les bronzer suffisamment". Un bon gros fou-rire :)

Bref, big up les mecs, ce furent plus de dix jours de rêve pour moi.

Heureusement que les vacances arrivaient la semaine suivant, sinon pour moi s'eût été difficile de raccrocher. Une dizaine de jours de vacances durant lesquels je me suis enfui en Bulgarie, sur les bords de la Mer noire, et ai renoué contact avec ma tante et mon oncle marseillais autour de quelques repas épicuriens. La suite au prochain numéro.

J'vous bécotte. Piem.